Lord of Egypt de Ena Fitzbel
Extrait :
— Je prendrais bien un bain chaud, avec du savon et des serviettes en coton… Mais suis-je bête ! m’exclamé-je. Les salles de bains n’existent pas ici ! On doit se nettoyer dans les rivières.
— Ne sois pas ridicule ! me rabroue mon père, exaspéré. La plupart des gens se baignent dans le Nil, mais ceux de ma condition possèdent des salles de bains et des cabinets d’aisances à tous les étages. Viens ! Je vais te montrer.
Sur ces mots, il récupère le tas de linge et la perruque, et m’invite à le suivre. Conduit dans une pièce sombre au milieu de laquelle trône une grande bassine de cuivre vide, je commence à protester. Je me tais lorsque deux servantes nous rejoignent avec des lampes à huile, des paniers et des jarres qu’elles peinent à porter.
— Déshabille-toi. Daget et Ankhti vont t’aider à te laver.
Je ne serais pas opposé à une présence féminine, mais encore faudrait-il que ces dames soient ragoûtantes. Elles ont toutes deux dépassé l’âge d’être mes grands-mères.
— J’aimerais bien avoir un peu d’intimité, que diantre ! m’offusqué-je, tout en dardant un regard noir sur les servantes.
— Tu n’as rien à craindre. Elles sont irréprochables. Ce sont elles qui font ma toilette.
— Hérouben n’est pas jalouse ?
Devant ma mine ahurie, mon père part d’un éclat de rire.
— C’est elle qui les a choisies !
Soit ! Si même son épouse n’y voit rien à redire, j’obtempérerai aux exigences de l’époque. À la guerre comme à la guerre ! Une fois seul avec les servantes, je me dévêts et entre nu dans la bassine. Aussitôt, les deux femmes commencent à me frotter avec une boue argileuse nauséabonde, tout en me faisant respirer une fleur de lotus.
Vient ensuite le moment où on me verse l’eau tiède des jarres pour me rincer. Puis on me sèche avec des serviettes en lin. Pensant en avoir terminé, je m’apprête à sortir de la bassine, mais les servantes se mettent à crier et à gesticuler.— Nén ! Nén !
L’une d’elles retire alors d’un panier un jeu de plusieurs lames de bronze de diverses courbures, pendant que l’autre m’enduit le visage, le torse et les jambes d’huile d’amandes amères. Partout où des poils dépassent, la première les coupe, tandis que la seconde applique un peu plus d’huile pour calmer le feu du rasage. Je me laisse faire jusqu’à l’instant fatidique où elles cherchent à me raser les cheveux. Comme je refuse énergiquement, elles essaient d’en faire autant avec mon entrejambe.
— Allez au diable, espèces de sorcières ! m’écrié-je, me rejetant en arrière.
Misère ! J’avais oublié ces fresques de l’Égypte antique sur lesquelles sont peints des hommes imberbes au crâne chauve. La séance de torture achevée, les servantes m’oignent entièrement d’un onguent agréablement parfumé, avant de m’aider à m’habiller. Elles tentent une dernière diablerie dont elles ont le secret, comme me souligner le tour des yeux avec du khôl. Là encore, je les repousse. Vivement que je rentre chez moi !